Voici l’histoire de mon père.
Suite à son hospitalisation à l’Hôpital Santa Cabrini le 17 janvier 2021, nous avons été obligés de faire des pieds et des mains pour s’enquérir de l’état de santé de mon père, puisqu’aucune visite n’était permise vu la pandémie. Nous ne pouvions entrer en communication directement avec mon père, et ce, sans que personne nous explique pourquoi.
Ce n’est que quatre jours plus tard, soit le 21 janvier 2021, que ma mère a appris du médecin que mon père se trouvait dans un état de délirium. Il ne pouvait parler et ne pouvait répondre au téléphone ni appeler qui que ce soit. Suite à beaucoup de démarches, ce n’est qu’à compter du 28 janvier 2021 pour une période de huit jours que ma mère a pu rendre visite à mon père et par la suite à compter du 27 février 2021, vu une éclosion de COVID-19 sur l’étage. Ils avaient dû cesser toute visite entre les 5 et 26 février 2021.
Suite aux visites de ma mère, plusieurs situations lamentables se sont produites. Ma mère avait demandé à une préposée si mon père pouvait avoir un bain et cette préposée lui a répondu que mon père n’était pas à l’hôtel et que l’hôpital ne disposait pas de bain. Les ongles d’orteils de mon père étaient devenus bleus et ma mère en a avisé son infirmière qui lui a répondu : « Oui, je sais, je l’ai inscrit dans son dossier ». Les pieds et les chevilles de mon père étaient enflés et ma mère en a avisé son infirmière qui lui a répondu : « Oui, je sais, je l’ai inscrit dans son dossier ». L’œil droit de mon père était extrêmement rouge depuis le 3 mars 2021 et ma mère en a avisé son infirmière qui lui a répondu : « Oui, je sais, je l’ai inscrit dans son dossier ».
Un matin, ma mère arrive dans la chambre de mon père et voit qu’il était attaché à son fauteuil. Il avait eu une diarrhée qui s’était répandue le long de ses jambes, malgré qu’il portait une couche. Elle en a avisé la préposée et c’est alors que deux préposées se sont mises à crier et à s’engueuler dans une langue étrangère dans le couloir. Suite à cet événement, les infirmières se questionnaient pour savoir laquelle d’entre elles avait donné un laxatif à mon père, mais en vain, puisqu’aucune d’entre elles ne l’aurait fait. Pendant les trois semaines où ma mère n’a pu rendre visite à mon père, soit entre les 5 et 26 février 2021, ma mère a constaté que mon père avait perdu beaucoup de capacités physiques et cognitives. À son retour à l’hôpital, ma mère a alors demandé aux préposées s’ils le faisaient marcher et on lui a répondu qu’ils n’avaient pas le temps. Mon père restait donc toujours attaché dans son fauteuil ou dans son lit, à l’exception du temps où ma mère était autorisée à lui rendre visite, soit deux heures par jour.
Un jour ma mère arrive dans la chambre de mon père et le découvre assis dans son fauteuil. Il est attaché en couche, pas de jaquette et sur son lit un piqué seulement. Les deux heures qu’elle a été là, personne n’est venue pour laver ou vêtir mon père. C’est alors que ma mère est allée lui chercher une jaquette et un drap pour le couvrir dans son lit. Le 7 mars 2021, on a dit à ma mère que mon père était attaché à son fauteuil, qu’il s’était détaché tout seul et est tombé en voulant aller à la toilette. On sait tous qu’ils ne peuvent se détacher seul… Ma mère a laissé des messages aux médecins de garde et rarement elle a reçu des retours d’appel. Elle a dû laisser plusieurs messages avant qu’un médecin ne la rappelle, sauf à de rares occasions. Nous avons rencontré la travailleuse sociale de l’Hôpital Santa Cabrini et une demande d’hébergement provisoire a été faite. La travailleuse sociale a dit à ma mère pour la consoler: « Dites-vous que ça ne peut pas être pire qu’ici » ! Mon père a eu une place dans un CHSLD (hébergement provisoire) le 16 mars 2021.
Il est décédé le 8 avril 2021.
Merci de faire entendre nos voix.
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